Souvenirs
Ce samedi, ëlle a aimé sortir. Le marché de Noël de la ville de P. ne
la tentait pas trop, ëlle savait quels genres de stands ils
trouveraient, y allant sans trop de conviction, juste pour le
plaisir de sortir, de se promener, tous ensemble. Ils étaient, au
préalable, passés chercher la grand-mère et en avaient profité pour
embrasser l'arrière, la vieille dame de quatre-vingt-huit ans, aux
dix-sept arrière-petits-enfants. L'aïeule jolie, aux cheveux toujours
bien coiffés et aux mains qui racontent les têtes d'enfant qu'elle a
caressées. Ils l'ont laissée, car la balade l'aurait éreintée.
Ëlle aime ces week-ends sur deux, ces fins de semaine où, alors, ils forment une famille, une vraie. Ëlle les affectionne particulièrement.
Le matin, ëlle avait habillé la petite K. avec de jolis vêtements
qu'ëlle choisit avec soin, ce jour, la petite fille était dans un
camaïeu de marron, au moment de lui orner la tête de deux macarons,
bien que cachés, ëlle avait même pris des élastiques assortis. La jolie veste en velours et ses bottes lui donnaient une allure de cavalière. Ëlle
aimait tellement la voir joliment apprêtée!
Le marché de Noël en lui même avait été énervant, avec cette fichue
poussette dont ëlle avait dû bloquer les roues avant, sans quoi, ces
dernières faisaient les folles. A la fin de leur tour, ils s'étaient
arrêtés pour goûter quelques fromages, la petite fille avait aimé le
Beaufort, et ils en avaient pris un morceau -ëlle lui avait promis
qu'ils lui en garderaient un bout pour le week-end prochain. Gabriel s'était endormi, le tumulte
autour de lui l'ayant bercé.
Avec soulagement, ils étaient sortis du chapiteau, ëlle avait "garé" la
poussette à côté des tables et des bancs, et la petite fille s'était
installée pour manger une part de tartiflette. Avec "ses" enfants, quel
plaisir éprouvé dans ces moments-là. Monsieur V. était parti chercher
des crêpes. Il faisait nuit. Il faisait froid. Cela n'avait pas
d'importance. Il y avait deux rennes derrières eux. Tout autour, les
lumières de Noël scintillaient. Il y avait dans l'air une odeur de vin
chaud, et de joie de vivre. Gabriel dormait toujours, bien au chaud
dans son petit manteau d'esquimau, la polaire remontée jusqu'au menton.
Comme ëlle avait aimé ce moment. Ëlle n'a pas pris de photo de cette
ambiance si particulière, comme le dit Mademoiselle J., ëlle a des
images mentales, mais ëlle ne peut hélas vous les faire partager.
Gabriel est encore bien petit pour cela, mais hier, avec la petite K.,
ils se sont fabriqué des souvenirs, de bien jolis souvenirs.